Bonjour Elfie, est-ce que vous pouvez nous raconter votre parcours ?
Je m’appelle Elfie j’ai 32 ans, je suis EJE de formation. Je suis responsable du multi-accueil de La Varenne.
Tout a commencé au lycée. J’y ai eu l’occasion de passer la première partie du BAFA gratuitement, c’était une opportunité pour gagner facilement un peu d’argent. Après mon bac, j’ai commencé des études de théâtre, mais ça ne me correspondait pas. A 19 ans, je me suis alors orientée vers le milieu de l’animation, un peu par hasard, et c’est là qu’est née ma passion pour l’accompagnement de l’enfant. J’ai travaillé deux ans en école maternelle. Là, je me suis rendu compte que j’étais à ma place près des enfants. Je ne voulais pas simplement les divertir, mais les accompagner et prendre soin d’eux.
Une maman à l’époque était en instance de divorce, elle avait besoin de soutien, et je me sentais démunie face à ça. Dans mon histoire perso aussi j’ai réalisé que je voulais accompagner les enfants, leur donner des bases pour affronter la vie ; et ces enfants, ils ont des parents autour d’eux. Vous savez, on ne naît pas parent, ça s’apprend.
Durant ces deux années, j’ai réalisé ce que je voulais faire : accompagner les enfants, dès leur plus jeune âge, et les valoriser. Mais aussi accompagner les parents, qui peuvent être démunis.
J’ai rejoint une école d’Educatrices de Jeunes Enfants pendant 3 ans. Je me suis enrichie, affirmée, etc. S’est alors posée la question du choix du stage ; au début j’avais envie d’expérimenter toutes les structures où on pouvait travailler en tant qu’EJE : crèches, foyers de l’enfance, milieu hospitalier… C’était compliqué de trouver des structures spécialisées pour les enfants aux parcours de vies lourd ; je suis donc allée dans des structures classiques : crèches associatives, privées, municipales. Je n’avais finalement pas besoin d’aller au contact d’enfants malades. Même les enfants qui vont bien ont besoin d’accompagnement.
Je me suis construite comme ça, et après mes études, je me suis tout de suite orientée vers des groupes privés, des grosses structures ou des plus petites. Ma toute première expérience professionnelle, c’était dans des grosses structures où j’étais EJE sur le terrain, c’est-à-dire près des enfants. Il n’y avait pas de mission d’accompagnement de l’équipe, ou alors c’était très flou. Puis j’ai occupé un poste de Responsable Technique de 2 micro-crèches ; ça a duré 5 ans et demi, c’était une super expérience, très enrichissante. Je me suis sentie plus à l’aise dans des petites structures : j’avais le temps de travailler l’accompagnement aussi bien collectif qu’individuel.
J’ai ainsi appris comment fonctionnaient les coulisses d’une structure ; et surtout j’ai appris comment accompagner une équipe. Pour que les enfants aillent bien, l’équipe autour doit aller bien. J’ai eu envie de continuer dans cette voie-là, d’approfondir encore plus.
Dans mes expériences passées, je ne me suis pas toujours sentie très soutenue etc. Du coup, aujourd’hui, j’accompagne mes équipes comme j’aurais aimé qu’on le fasse pour moi. C’est ce que j’ai le plus apprécié faire. C’est pour ça que j’ai souhaité poursuivre dans cette voie de responsable de structure. Dans les années futures, c’est aussi ce que j’ai envie d’approfondir, en allant par exemple dans le domaine de la formation.
Comment passe-t-on d’EJE terrain à Responsable Technique ?
Ce n’est pas facile. J’ai été EJE pendant 2 ans, et j’étais dans une grosse structure, avec beaucoup d’enfants, dans une section de 25 bébés. On répondait aux besoins physiologiques, mais ça ne laissait pas beaucoup de place pour accompagner le développement psychomoteur, social et cognitif de l’enfant. Là-bas, j’ai mis des choses en place, mais c’était difficile de les faire tenir. En tant qu’EJE, je palliais souvent les absences des autres pros, et les projets n’étaient pas menés à leur terme. Avoir été sur le terrain m’a permis de comprendre ce que je voulais et ce que je ne voulais pas. Par exemple, les grosses structures n’étaient pas faites pour moi.
Par hasard, j’ai reçu une proposition pour devenir Responsable Technique. Je me suis jetée dans l’aventure. J’étais à 60% sur le terrain, et à 40% sur des tâches administratives. Il y a eu une petite adaptation à faire ; j’ai dû apprendre à faire beaucoup de nouvelles choses. On avait un super groupe d’enfants d’âges mélangés, et une bonne cohésion d’équipe. Ça m’a permis d’être sur le terrain, d’observer, et puis de prendre une distance intéressante pour analyser ce qu’il se passait et approfondir les pratiques. Parfois c’est difficile de prendre du recul quand on est tout le temps sur le terrain. Avec cette petite distance, c’est plus facile d’être dans l’analyse et dans l’accompagnement. Je peux apporter ce regard aux professionnelles.
Être sur deux établissements, ça demande de savoir s’organiser. Je faisais un jour sur une structure, un jour sur l’autre. La communication était à travailler entre l’équipe et moi. C’était important aussi d’apprendre à chaque équipe à s’autonomiser tout en se rendant disponible. On a mis des protocoles en place pour laisser les équipes savoir jusqu’où elles sont en capacité de se gérer seules. C’était une petite gymnastique à mettre en place ; une fois automatisé, ça se fait facilement.
Il y a un équilibre entre ces deux pratiques. L’EJE Terrain est là pour observer l’organisation en section, l’accompagnement des enfants, faire remonter l’information et proposer des améliorations. Quand on est responsable technique, on est sur les deux tableaux : on accompagne autant l’équipe sur la partie enfants que sur la partie management.
Est-ce que le fait d’être passée par le « métier terrain » vous donne plus de visibilité sur l’impact/l’apport des connaissances de chacun/chacune ?
Pour moi c’est important d’être passée sur le terrain pour mieux comprendre les retours des professionnelles qui sont au quotidien avec les enfants. Si j’étais passée responsable tout de suite, je serais moins parvenue à les comprendre et à les accompagner sur certains sujets.
Je trouve ça normal de passer du temps près des équipes, des enfants, des familles, pour être présente et voir ce qui se passe. Il ne s’agit pas simplement d’être enfermée dans le bureau pour gérer la crèche.
Mon objectif : que ces deux univers, le bureau et le terrain, communiquent et travaillent ensemble.
Quelle est votre journée type ?
Je n’en ai pas vraiment, c’est très aléatoire.
J’ai toutefois un petit rituel, celui de prendre le temps le matin, et le soir, de venir près de chaque professionnelle pour lui demander comment ça va, comment ça se passe. Ensuite, il y a des aléas de dernière minute ; absences, imprévus, etc. Il y a aussi des impératifs mensuels dus au planning…
D’une journée à l’autre, c’est très divers. Il faut savoir faire preuve de souplesse et d’adaptabilité près des équipes comme des enfants. Mais c’est aussi ça qui est plaisant !
Je sais que des personnes dans mon entourage ont l’impression qu’on fait toujours la même chose… Mais pas du tout. Du jour au lendemain, les enfants ne sont pas les mêmes, et nous non plus. Entre le vécu de la veille et les aléas de la partie organisationnelle, tout recommence chaque jour. Il n’y a pas un jour qui ressemble à l’autre.
Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier ?
L’accompagnement, de manière générale.
- Accompagner un enfant et voir son évolution sur le court, le moyen et le long terme ; quand je vois un enfant qui réussit à se retourner, je suis toujours contente pour lui de le voir franchir cette étape.
- Accompagner les familles qui demandent un appui, un soutien, même si c’est près des équipes ou de la psychologue qu’elles le trouvent.
- Accompagner les professionnelles aussi… Je me souviens d’une pro arrivée sur une structure. Ca faisait moins d’un an que j’étais un poste ; elle n’avait pas d’expérience, elle avait besoin de beaucoup de soutien, de prendre confiance, ça a duré peut-être un an. Et lorsqu’elle a acquis les épaules et les compétences nécessaires à son poste, c’était très satisfaisant.
C’est ce qui me plaît le plus : accompagner l’autre dans son épanouissement, le plus petit comme le plus grand, aussi bien les pros que les enfants et les parents, et voir l’évolution positive de cet accompagnement.
Qu’est-ce qui vous semble le plus difficile ?
Le plus difficile, c’est de faire face aux imprévus. L’absentéisme à répétition, ce n’est pas toujours évident à gérer en tant que responsable ; au niveau de l’équipe non plus.
Un autre élément difficile, c’est quand on est face à des problématiques (que beaucoup rencontrent) comme les morsures par exemple. On a l’impression de ne pas avoir été à 100%, on essaie alors de repartir du bon pied, etc. C’est une période où la fatigue s’installe, où il y a un petit affaiblissement au niveau de l’énergie de l’équipe. Tout cela arrive en même temps, et ce n’est pas toujours évident de redynamiser tout ça. Parfois ça marche, parfois non. Il faut parfois patienter un petit peu, ou réagir autrement pour que la situation s’améliore.
Quel regard portez-vous sur votre secteur ?
Je ne regarde pas beaucoup la télé, surtout depuis que je suis devenue maman, il y a 17 mois. Mais je suis ce qu’il se passe grâce aux journaux ou aux infos sur internet.
Quand je vois ce drame à Lyon, je suis un peu choquée de me dire qu’on est en arrivé là… Il y a une problématique au niveau du recrutement des pros, de l’accompagnement des équipes, de la sécurité des enfants. Ça m’inquiète, en tant que maman.
Et en même temps, mon expérience à moi elle est positive. Je n’ai pas vécu ce genre de choses. Les structures où ça dysfonctionne, ça reste une minorité, mais c’est celles dont on entend le plus parler et ça nous décrédibilise. Les familles sont du coup plus angoissées, plus réticentes à nous confier leurs enfants. Il va falloir les accompagner encore plus par rapport à tout ça.
Où vous voyez-vous à l’avenir ?
J’ai encore beaucoup à apprendre sur mon poste. Mais la formation c’est un élément où je me sens bien. J’aimerais accompagner les pros dans leurs formations, leur VAE, mener des journées pédagogiques, etc.
Je pensais que c’était un domaine inaccessible, qui ne m’était pas destiné, mais je m’aperçois que c’est un domaine où je pourrais m’épanouir.
Est-ce que vous avez envie de nous dire autre chose ?
La Petite Enfance ce n’est pas un milieu facile. Il n’est pas bien ou pas suffisamment valorisé aux yeux de la société, mais c’est un métier très enrichissant humainement, qui m’a permis de beaucoup apprendre sur moi. Les enfants nous apportent énormément. C’est un milieu difficile mais passionnant. J’aimerais que les pros s’en rendent compte.
Les enfants qu’on accueille seront peut-être les politiciens et les médecins de demain. Si durant leurs 1000 premiers jours, on leur donne toutes les bonnes bases, ce seront des adultes accomplis.
La société irait peut-être mieux si on prêtait plus attention à ces 1000 premiers jours de vie…
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